
La corde est tendue, le pendu
 Louche sur sa dernière érection.
 Les filles de joie seront tondues
 Après le bal des délations.
 Les gens chantent encore dans la rue
 Le jour de la libération.
 
 On est tous des héros ce soir,
 Même le vieux Gontran t’a qu’à voir !
 On l’a gagné cette putain d’guerre,
 Comme celle des poilus, la dernière.
 
 Assis tout seul derrière l’église
 Je r’pense à Elise
 A Marie ma belle égérie,
 Comme elle me charrie !
 Je suis vivant, d’autres sont morts,
 D’accords, pas d’accords
 Je m’en doute bien, y a pas qu’des salauds
 Qui ont laissé leur peau… sous les miradors.
 
 Demain les héros vont rev’nir,
 Faudra bien les él’ver mes gosses
 Mais j’ai pas franch’ment envie d’rire,
 ‘Vec mon pied-bot j’suis pas véloce.
 Qu’es-ce que j’vais bien pouvoir leur dire,
 Je s’rais sans doute pas à la noce !
 
 C’est vrai qu’on est d’la même fournée
 L’Albert, l’Edouar et le René ;
 On n’a pas toujours été potes
 Mais c’est les mêmes nanas qu’on saute !
 
 J’irais dormir derrière l’église
 Dans les bras d’Elise
 Pour oublier qu’a la mairie,
 La Marie m’charrie.
 J’préfère êt’ vivant et les morts
 Seraient bien d’accord ;
 D’ailleurs c’est pas les plus salauds
 Qui ont laissé leur peau… sous les miradors.
 
 
 Tout l’monde a l’air heureux ce soir,
 Moi, j’dis gaffe à la gueule de bois
 Quand on f’ra l’bilan au comptoir,
 Le décompte des noms sous les croix.
 Y aura plus qu’les fêlés pour croire
 Que d’main y f’ra plus jamais froid.
 
 Si c’est la der des der mes frères
 D’un point d’vue pur’ment temporaire
 L’Histoire oubliera mes émois…
 Mais soit-dit entre vous et moi…
 
 J’préfère dormir derrière l’église
 Dans les bras d’Elise
 Faire le mariol à la mairie
 Où Marie m’charrie
 J’préfère êt’ vivant plutôt qu’mort,
 Tout l’monde est d’accord
 Mais y a quand même des pas salauds
 Qui ont laissé leur peau… sous les miradors.
 
                                                                                                     
                                            
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